Marcher des heures à travers la forêt
Respirer par le nez, se retourner jamais
Mettre un pied devant l'autre pour trouver le repos
Poser les balises d'un monde nouveau
À la tombée du jour, atteindre la clairière
Ermite volontaire évadé de l'enfer
Faire une prière et faire un feu de bois
Boire à la rivière pour la première fois
Déplier la toile pour s'en faire un abri
Briser le silence en poussant un grand cri
Crier à tue-tête pour entendre l'écho
Et compter les étoiles couché sur le dos
Baigné dans la lumière d'une aurore boréale
Réaliser que la beauté est sidérale
Ralentir le rythme de la course folle
Folâtrer un instant sans but, sans boussole
Sentir le vent caresser son visage
Ajuster sa mire, se fondre au paysage
Ajouter des secondes au film de sa vie
Vidanger son cerveau, tomber endormi
Plonger dans le lac du pays de Morphée
Féconder la terre où germent les idées
Débusquer dans le bois le grand caribou
Boucaner dans la pipe du bon Manitou
Chanter avec le lièvre, le renard et le loup
Louvoyer vers la cache du carcajou
Jouer de la vielle avec un farfadet
Descendre dans la grotte avec les feux follets
Laisser la poésie décider de son sort
Sortir au matin et accepter la mort
Mordre dans la vie sans penser à demain
Maintenir le cap tout droit vers son destin...
Stéphane Archambault & Étienne Desranleau, 2004
La mort du Cerf d'Amérique
La forêt s'engourdit
Les feuilles bougent à peine
Ni cailles, ni perdrix
Le silence est obscène
C'est la vie qui s'en va, dis
Ou c'est la mort qui vient,
dis Le cerf ne l'a pas su
Quand le chasseur l'a vu
Et d'un seul coup
Le sang jaillit en mille faces
C'est le sang de sa race
Le cerf n'ira pas loin
Il n'ira pas plus loin
Que les bras de sa biche
Déjà le cri des chiens
Chicanent sur sa piste
Je vais m'étendre ici
Je ne me battrai point
Pour que ma chair soit tendre
Et n'être pas mort pour rien
On a posé ses bois
Sur un mur héroïque
Et gravé tout en bas